La figure de l’écrivain : pipeau ou héros ?

 

De tout temps, l’écrivain a occupé une place particulière dans la société. 

Tour à tour admiré, critiqué, encensé ou moqué, son rôle a considérablement évolué au fil des siècles. 

Aujourd’hui, alors que le monde littéraire connaît de profondes mutations, il est légitime de s’interroger sur la figure de l’écrivain contemporain. 

Est-il encore ce personnage mythique, ce héros de la plume que l’on a longtemps vénéré ? 

Ou n’est-il plus qu’un imposteur, un « pipeau » dont la voix se perd dans le brouhaha médiatique ? 

Pour tenter de répondre à cette question, examinons les différentes facettes de l’écrivain moderne.

L’écrivain comme donneur de leçon, figure dépassée

Pendant longtemps, l’écrivain a été perçu comme un sage, un intellectuel dont la parole faisait autorité. 

On attendait de lui qu’il éclaire ses contemporains, qu’il leur montre la voie à suivre. 

Les grandes figures littéraires du XIXe et du début du XXe siècle incarnaient parfaitement ce rôle : Victor Hugo, Émile Zola ou encore Jean-Paul Sartre n’hésitaient pas à prendre position sur les questions sociales et politiques de leur temps. 

Leurs écrits, qu’il s’agisse de romans, d’essais ou d’articles de presse, visaient souvent à dénoncer les injustices et à proposer des solutions pour améliorer la société.

Cependant, cette conception de l’écrivain comme « conscience de son temps » semble aujourd’hui largement dépassée. 

Plusieurs facteurs expliquent ce déclin. 

Tout d’abord, la multiplication des sources d’information et d’opinion a considérablement réduit l’influence des intellectuels en général, et des écrivains en particulier. 

Les réseaux sociaux permettent à chacun de s’exprimer et de partager ses idées, diluant ainsi la parole de l’écrivain dans un flot continu d’informations.

De plus, la société contemporaine tend à se méfier des figures d’autorité et des discours moralisateurs. 

L’époque n’est plus aux grandes leçons, mais plutôt à la réflexion personnelle et à la remise en question des certitudes. 

Les lecteurs d’aujourd’hui ne cherchent plus nécessairement dans les livres des réponses toutes faites à leurs interrogations, mais plutôt des pistes de réflexion et des expériences à partager.

Enfin, les écrivains eux-mêmes semblent avoir pris conscience des limites de ce rôle de donneur de leçon. 

Beaucoup préfèrent désormais se concentrer sur leur art, laissant à d’autres le soin de commenter l’actualité et de proposer des solutions aux problèmes de la société.

L’écrivain comme raconteur d’histoires, réalité d’aujourd’hui

Si l’écrivain n’est plus ce guide moral qu’il a pu être par le passé, il n’en demeure pas moins une figure importante de notre paysage culturel. 

Son rôle s’est simplement recentré sur ce qui fait l’essence même de son art : raconter des histoires.

Dans un monde de plus en plus complexe et angoissant, le besoin d’évasion et de divertissement n’a jamais été aussi fort. 

Les lecteurs se tournent vers la littérature pour s’évader, pour vivre par procuration des aventures extraordinaires ou pour explorer des univers imaginaires. 

L’écrivain contemporain répond à cette demande en se faisant avant tout conteur, créateur de mondes et de personnages captivants.

Cette évolution se traduit notamment par le succès croissant des genres dits « populaires » comme la fantasy, la science-fiction ou le thriller. 

Ces genres, longtemps considérés comme mineurs par la critique littéraire, sont aujourd’hui pleinement reconnus et attirent de nombreux auteurs talentueux.

Ils permettent d’aborder des questions profondes tout en offrant au lecteur le plaisir d’une narration prenante.

Par ailleurs, l’art du récit ne se limite pas à la fiction. 

De nombreux écrivains contemporains excellent dans le domaine du récit personnel, du témoignage ou de l’autofiction. 

En partageant leur expérience intime, ils parviennent à toucher leurs lecteurs et à créer un lien fort avec eux. 

Cette tendance répond à un besoin d’authenticité et de proximité de la part du public.

Réalité du métier d’écrivain

Si la figure de l’écrivain continue de fasciner, la réalité du métier est souvent bien éloignée des représentations romantiques que l’on peut en avoir. 

Être écrivain aujourd’hui, c’est avant tout exercer un métier exigeant et souvent précaire.

Contrairement à l’image d’Épinal de l’auteur vivant confortablement de sa plume, la grande majorité des écrivains doivent composer avec des revenus modestes et irréguliers. 

La très grande majorité est contrainte d’exercer une autre activité professionnelle en parallèle pour subvenir à leurs besoins. 

Cette situation précaire s’explique en partie par la crise que traverse le secteur de l’édition, confronté à la baisse du marché du livre et à la concurrence des nouveaux supports numériques.

Le métier d’écrivain exige également une grande discipline et une capacité à travailler dans la solitude. 

L’écriture est un processus long et souvent difficile, qui demande de la persévérance et une confiance en soi à toute épreuve. 

Les écrivains doivent également faire face à la pression du succès, à l’angoisse de la page blanche et aux critiques parfois virulentes de leurs œuvres.

Par ailleurs, le travail de l’écrivain ne se limite pas à l’écriture proprement dite. 

Il doit aussi assurer la promotion de ses livres, participer à des salons et des rencontres avec les lecteurs, accorder des interviews… 

Autant d’activités qui peuvent être enrichissantes, mais aussi chronophages et éprouvantes.

Enfin, les écrivains d’aujourd’hui doivent s’adapter à un environnement littéraire en pleine mutation.

 L’essor de l’auto-édition et des plateformes d’écriture en ligne offre de nouvelles opportunités, mais bouleverse aussi les modèles traditionnels de publication et de diffusion des œuvres.

L’écriture, comme aventure à vivre et à partager

Malgré ces difficultés, l’écriture reste pour nous tous une véritable passion, une aventure exaltante qui mérite d’être vécue et partagée. 

Au-delà des considérations matérielles, écrire est avant tout une expérience profondément humaine, un moyen d’explorer le monde et de se découvrir soi-même.

Pour l’écrivain, chaque nouveau livre est un défi, une opportunité de se renouveler et de repousser ses limites. 

C’est aussi une façon de donner du sens à son existence, de laisser une trace et de contribuer, à sa manière, à la grande conversation de l’humanité.

Cette aventure ne se vit pas seul. 

L’écriture est aussi une forme de dialogue avec les lecteurs, une invitation à partager des émotions, des réflexions, des questionnements.

 Les rencontres avec le public, les échanges sur les réseaux sociaux ou les ateliers d’écriture sont autant d’occasions pour l’écrivain de nourrir ce dialogue et de créer une véritable communauté autour de son œuvre.

La figure de l’écrivain a certes évolué, s’éloignant de l’image du sage donneur de leçons pour se rapprocher de celle du conteur d’histoires. 

Mais loin d’être un simple « pipeau », l’écrivain contemporain reste un acteur essentiel de notre paysage culturel. 

S’il n’est plus ce héros mythique qu’on a pu admirer par le passé, il demeure un créateur, un explorateur de l’âme humaine dont le travail continue d’enrichir notre compréhension du monde et de nous-mêmes. 

L’aventure de l’écriture, avec ses joies et ses difficultés, reste une expérience unique qui mérite d’être vécue et partagée. 

Dans un monde en constante mutation, la voix de l’écrivain, même si elle n’est plus tonitruante, continue de résonner, nous invitant à rêver, à réfléchir et à nous émouvoir.